Indécence extra-européenne. Noumouké Sidibé, 38 ans, était chef de sécurité au Bataclan, présent sur les lieux le 13 Novembre.
On s’est tous assis en même temps sur un canapé dans un hôtel au sud de Paris, et Noumouké Sidibé, a commencé comme ça : «Le lendemain du 13 Novembre, j’étais chez le psy. Il était glacé par mon récit, il n’était pas préparé à ça. Aujourd’hui, j’ai une psy militaire, celle qui traite les soldats qui reviennent du terrain. C’est la seule qui peut comprendre ce que je raconte. Tous les autres que j’ai consultés sont dépassés : ils me disent de parler de mon enfance, mais ce n’est que du blabla.» C’était tout nouveau pour lui. Banlieusard, d’origine malienne, musulman, agent de sécurité au Bataclan… Il dit que ce n’est pas trop dans sa culture de parler. Un truc qui tient autant de la pudeur que de son histoire : il a déjà vu de près la mort et la violence, notamment dans son quartier. Mais là, il a croisé la route de trois terroristes – dont «un jeune blanc comme un cachet» – armés jusqu’aux dents pour le massacre et «senti l’odeur des morts».
Dans son récit, l’Afrique revient souvent : «Quelques mois plus tard, le Mali a été attaqué. Un hôtel à Bamako, que je fréquente quand je vais là-bas. Je me suis mis à leur place. Et eux, contrairement, à nous, n’ont pas de suivi psychologique. Ils sont livrés à eux-mêmes.» (…)
«Ma vie était devenue un film. Surtout lorsque je me suis rendu compte que la cache des trois terroristes du Bataclan se situait à près de 200 mètres de chez moi [à Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne]. Tu te mets à te poser des questions du genre, si ça se trouve ils étaient là pour moi ?» (…)
Ce manque de reconnaissance l’énerve. «Déjà, je suis chef de sécurité,corrige-t-il. Certains nous regardent simplement comme des Mamadou. Si ce n’est pas lui qui fait le boulot, ce sera un autre. Je ne vais pas me trimbaler avec une pancarte « SOS Racisme ». Voilà, c’est comme ça.»Avant de dérouler : «Après coup, on se demande ce qu’on est. De la chair à canon ? François Hollande devrait nous convoquer et nous dire merci pour service rendu à la France.»
Source : Libération
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