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Portrait – Au Brésil, l'homme d'extrême droite Jair Bolsonaro représente l’espoir anti-corruption

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Il se définit lui-même comme le Donald Trump brésilien. Officiellement désigné par son parti pour la présidentielle d’octobre au Brésil, Jair Bolsonaro, 63 ans, arriverait en tête des sondages dans l’optique où l’ancien président Lula ne pourrait pas se représenter. Classé à l’extrême droite de l’échiquier politique, les idées controversées de cet ancien militaire divisent, mais séduisent aussi.
 
Le deuxième prénom de Jair Bolsonaro est Messias. En français, on le traduit par « messie ». Au Brésil, nombreux sont les partisans qui aiment aussi le surnommer « Bolsomito » – en portugais, mito signifie mythe et l’appellation Bolsomito est donc un jeu de mots avec le nom du député. Un messie, un mythe, « le sauveur de la patrie ». C’est comme ça qu’il est perçu par quantité de ses électeurs.
Une ferveur qui se ressent particulièrement dans les couloirs du Congrès National du Brésil. Ils sont généralement vides de visiteurs, excepté lorsque l’on approche du cabinet du député, dont les murs sont recouverts de portraits de généraux de la dictature militaire (1964-1985).

Un électorat hétéroclite et lassé de la corruption

 
Là-bas, il n’est pas rare de voir les sympathisants patienter devant la porte et brandir leurs téléphones à l’arrivée de Bolsonaro. Pour une photo, un film, quelques mots échangés avec celui qu’ils perçoivent souvent comme le seul véritable espoir pour le Brésil, dans un contexte où les différentes Unes des journaux sont quotidiennement consacrées à des scandales de corruption.
Ce sont d’ailleurs ces mêmes affaires qui ont permis à Bolsonaro de s’ériger en candidat anti-système, et d’attirer vers lui une partie de la population lassée des politiques corrompus. Face à eux, le député apparaît comme le candidat anti-corruption, séduisant un électorat varié pouvant aller de la bourgeoisie brésilienne, en passant par les jeunes et les déçus de la gauche, jusqu’aux habitants des favelas et fans de la culture militaire.
Car en plus de n’avoir été cité dans aucune affaire de corruption à ce jour, ce sont aussi ses idées qui séduisent : nostalgique de l’époque de la dictature militaire, Bolsonaro s’est à plusieurs reprises exprimé en faveur de la réduction de la majorité pénale, du port d’armes et de l’intervention militaire. Il est devenu le meilleur ennemi de la gauche progressiste, affirmant qu’il voulait rendre « le fusil au producteur rural, parce que la carte de visite de l’envahisseur, c’est une cartouche de 247 ».

De soldat à député

 
Pourtant, Bolsonaro n’a pas toujours été plongé dans la politique. Né à Campinas, dans l’Etat de São Paulo, de parents d’origine italienne, il est diplômé de l’école militaire des Agulhas Negras en 1977. Là-bas il sert d’abord comme soldat, et sort de l’académie avec le grade de capitaine d’artillerie de l’armée de terre brésilienne. Il ne fait son premier pas en politique que quelques années plus tard, en 1986, où il devient le leader d’une protestation contre les salaires trop bas des militaires. Il écrit même un éditorial sur la question, dans le magazine Veja, ce qui lui vaut d’être enfermé pendant 15 jours pour « insubordination » et « infraction grave », accusé d’avoir « heurté l’éthique, créant un climat d’inquiétude au sein de l’organisation militaire ».
Un an plus tard, Bolsonaro insiste et fait part, dans une interview dans ce même magazine, de l’opération « Voie sans issue » (Beco Sem Saída), prévoyant de faire exploser des bombes dans des baraquements et des locaux stratégiques de la base militaire, toujours pour réclamer une hausse des salaires dans l’armée. A l’unanimité – huit votes contre quatre – il est jugé non coupable par le Tribunal Supérieur Militaire, par manque de preuves.

Les mots comme des armes

 
Sa carrière politique est alors lancée, rapidement accompagnée d’une rhétorique incendiaire qui fait régulièrement la Une des journaux. Comme en 1999, lorsqu’il déclare que « la dictature militaire aurait dû assassiner quelque 30 000 personnes corrompues », à commencer par le président de l’époque, Fernando Henrique Cardoso.
Huit ans plus tard, il déclare même qu’il serait « incapable d’aimer un fils homosexuel. Je ne vais pas être hypocrite : je préférerais qu’il meure dans un accident, plutôt qu’il soit homosexuel ».
Ce sont précisément ces phrases choc qui suscitent à la fois un fort rejet chez certains, et qui, à côté, en séduisent d’autres par leur côté politiquement incorrect. Bolsonaro lui-même affirme que ses mots sont « des armes » à la Chambre des députés, et qu’il est « une personne qui dérange ».
Marcello Reis, militant anti-Lula et pro-Bolsonaro, fait partie des séduits. « A aucun moment il n’a tenu un discours de haine. Il est contre les bandits, contre les personnes qui sont sur le chemin du mal, et ses détracteurs disent ça juste pour le décrédibiliser et détruire sa réputation ».

« La seule solution »

 
Bolsonaro ne craint pas de s’exprimer et n’a pas peur d’offenser qui que ce soit, donnant l’impression de dire la vérité, se construisant une image d’outsider. Une image fausse, selon Lucio Renno, professeur de sciences politiques à l’Université de Brasilia. « Il se présente comme étant un candidat hors du système politique brésilien, alors qu’il cumule déjà sept mandats en tant que député. Toute sa famille est dans la politique », rappelle-t-il. A commencer par ses fils : Carlos, conseiller municipal carioca, Flávio, député d’État de Rio de Janeiro pour le Parti progressiste, et Eduardo, député fédéral. Affilié au Parti social libéral (PSL), le père Bolsonaro a mené sa carrière politique presque seul, sans le soutien ni la structure d’un grand parti, ou d’un allié de poids.
Il a d’ailleurs changé plusieurs fois d’étiquette depuis le début de sa carrière politique, dans les années 1980, sans pour autant faire bouger les lignes de ses revendications, dont la principale est une aversion revendiquée pour la gauche, sous toutes ses formes – et principalement sous la forme de Luiz Inácio Lula da Silva, qui a gouverné le pays de 2003 à 2010 et qui, de sa cellule à Curitiba, a réaffirmé sa volonté de se présenter à l’élection présidentielle.
Une partie des Brésiliens ne veut pas de son retour en politique : une occasion pour Bolsonaro de construire son image comme l’antithèse des gouvernements de gauche qui ont dominé le paysage politique brésilien ces dernières années. Il saisit un électorat déçu par l’ancien président, à coup de promesses teintées de « Lula nunca mais », plus jamais Lula. « Lula a détruit le pays, affirme Marcello Reis. Pour moi, Bolsonaro peut rendre notre pays meilleur, comme Trump l’a fait aux Etats-Unis. Il est la seule solution ».

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