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Sénégal : le maire de Dakar condamné à cinq ans de prison pour escroquerie

«Nous vous déclarons la guerre, Khalifa Sall sera le prochain président de ce pays», proteste Khady, la cinquantaine, debout sur son siège dans la salle d’audience pleine à craquer du palais de justice de Dakar. Le juge n’a pas encore fini de prononcer son verdict que les partisans du maire de la capitale sénégalaise expriment leur colère. Cohue, pleurs, cris, simulations d’évanouissements, la gendarmerie évacue immédiatement la foule. Khalifa Sall, a été condamné vendredi à cinq ans de prison ferme et 7 620 euros d’amende, après un an de procédure judiciaire. Le parquet avait requis sept ans d’emprisonnement.

À l’extérieur du tribunal, les pro-Khalifa Sall sont dispersés par les forces de l’ordre qui forment autour d’eux des cordons sécuritaires, boucliers et matraques à la main. Les partisans galvanisés menacent de faire «brûler le pays, aux mains d’un régime de vendus». La tension monte, les plus virulents reculent sous les fumigènes.
À l’annonce de sa peine, l’édile de Dakar n’a pas sourcillé. Drapé dans son grand boubou blanc, le même depuis le début du procès, il a levé le poing, silencieux. Ses soutiens sont eux abasourdis. «C’est une décision purement politique, dictée par la main de l’exécutif. Nous sommes consternés», déplore Babacar Thioye Ba, le fidèle directeur de cabinet de Khalifa Sall, à la sortie du tribunal.

Ami, puis ennemi numéro 1 du pouvoir

Tout au long de ce feuilleton judiciaire très médiatisé, la défense n’a cessé de dénoncer un procès politique, destiné à briser la carrière de leur client. Elu maire de Dakar en 2009, Khalifa Sall, ami puis ennemi numéro un du pouvoir, est devenu le challenger le plus en vue du président Macky Sall. Malgré ses faibles scores aux élections législatives de juillet dernier, son statut d’opposant embastillé a fait monter sa cote de popularité. «L’inculpation pour escroquerie n’a été retenue par le tribunal aujourd’hui que pour le maintenir en prison d’ici la présidentielle de 2019», martèle un des proches de Khalifa Sall, sommé par la police de déguerpir les lieux. Pourtant, le maire de Dakar n’a jamais officiellement déclaré sa candidature. Sa défense soutient qu’il mènera campagne depuis sa prison si nécessaire, comme il l’a fait pour devenir député. Le tribunal n’a d’ailleurs pas condamné Khalifa Sall à l’inéligibilité. «Son inculpation pour escroquerie de deniers publics et faux et usage de faux ne le prive pas de ses droits civiques et politiques», précise un ses proches.
Du côté des avocats de l’Etat, constitué partie civile dans cette affaire, la condamnation du maire de Dakar était attendue. «Ce n’est pas une surprise pour nous. Ce sont des faits constants, la culpabilité de chacun était évidente. C’est un dossier de flagrant délit tellement il est clair», avance maître Baboucar Cissé, avant de s’échapper du tribunal par une petite porte de service.

Khalifa Sall était accusé, avec sept autres collaborateurs, d’avoir détourné entre 2011 et 2015, 2,8 millions d’euros des caisses de la mairie. Une somme puisée dans la caisse d’avance, cette tirelire opaque de fonds spéciaux destinés à des dépenses diverses, allant des frais de santé des populations dans le besoin à l’organisation de fêtes de quartiers. Un mécanisme ancien hérité de l’époque coloniale, a soutenu la défense tout au long du procès, fournissant 110 fausses factures de livraison de mil et de riz pour justifier l’argent évaporé. «En certifiant les factures qu’il savait fictives, Khalifa Sall avait conscience de la manœuvre», a distillé le juge Malick Lamotte dans son délibéré, rejetant le caractère politique de fonds crédités en tant que «dépenses diverses».
Incarcéré depuis un an, Khalifa Sall va devoir encore passer quatre années derrière les barreaux. Ses avocats ont déjà prévu de faire appel.

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